Messie – Messias (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Messie – Messias aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.



Messiah, Meshiah, en hébreu Christ ou Célemenos en grec; Unctus en latin, Oint.
Nous voyons dans l’ancien Testament que le mot de Messie, loin d’être particulier au libérateur après la venue duquel le peuple d’Israël soupirait, ne l’était pas seulement aux vrais et fidèles serviteurs de Dieu, mais que ce nom fut souvent donné aux rois et aux princes idolâtres, qui étaient dans la main de l’Éternel les ministres de ses vengeances, ou des instruments pour l’exécution des conseils de sa sagesse. C’est ainsi que l’auteur de l’Ecclésiastique dit d’Élisée(55), qui ungis rages ad poenitentiam, ou comme l’ont rendu les Septante, ad vindictam. « Vous oignez les rois pour exercer la vengeance du Seigneur. » C’est pourquoi il envoya un prophète pour oindre Jéhu roi d’Israël. Il annonça l’onction sacrée à Hazael, roi de Damas et de Syrie(56), ces deux princes étant les Messies du Très Haut pour venger les crimes et les abominations de la maison d’Achab.
Au 16e d’Esaïe, v. 1, le nom de Messie est expressément donné à Cyrus. Ainsi a dit l’Éternel à Cyrus son oint, son Messie, duquel j’ai pris la main droite, afin que je terrasse les nations devant lui, etc.” Ézéchiel, au 18e. chapitre de ses révélations, donne le nom de Messie au roi de Tyr, qu’il appelle aussi Chérubin, “Fils de l’homme, dit l’Éternel au prophète, prononce à haute voix une complainte sur le roi de Tyr, et lui dis: « Ainsi a dit le Seigneur, l’Éternel, tu étais le sceau de la ressemblance de Dieu, plein de sagesse et parfait en beautés; ta as été le jardin d’Éden du Seigneur (ou, suivant d’autres versions, tu étais toutes les délices du Seigneur); tes vêtements étaienent de sardoine, de topase, de jaspe, de chrisolite, d’onix, de béril, de saphir, d’escarboucle d’émeraude et d’or; ce que savaient faire tes tambours et tes flûtes a été chez toi; ils ont été tout prêts au jour que tu fus créé; ta as été un chérubin, un Messie.
Ce nom de Messiah, Christ, se donnait aux rois, aux prophètes et aux grands prêtres des Hébreux. Nous lisons dans le I. des Rois, xii 3: “ Le Seigneur et son Messie sont témoin, » c’est-à-dire, « le Seigneur et le roi qu’il a établi.” Et ailleurs: „Ne touchez point mes oints, et ne faites aucun mal à mes prophètes. » David, animé de l’esprit de Dieu, donne dans plus d’un endroit à Saül son beau-père qui le persécutait, et qu’il n’avait pas sujet d’aimer, il donne, dis-je, à ce roi réprouvé, et de dessus lequel l’esprit de l’Éternel s’était retiré, le nom et la qualité d’oint, de Messie du Seigneur.“ Dieu me garde, dit-il fréquemment, de porter ma main sur l’oint du Seigneur, “sur le Messie de Dieu“.
Si le nom de Messie, d’oint de l’Éternel, a été donné à des rois idolâtres, à des réprouvés, il a été très souvent employé dans nos anciens oracles pour désigner l’oint véritable du Seigneur, ce Messie par excellence, le Christ, fils de Dieu, enfin Dieu lui-même.
Si l’on rapproche tous ces divers oracles, et en général tous ceux qu’on applique pour l’ordinaire au Messie, il en peut résulter des quelques difficultés apparantes dont les Juifs se sont prévalus pour justifier, s’ils le pouvaient, leur obstination. Plusieurs grands théologiens leur accordent, que dans l’état d’oppression sous lequel gémissait le peuple juif, et après toutes les glorieuses promesses que l’Éternel lui avait faites si souvent, il pouvait soupirer après la venue d’un Messie, vainqeur et libérateur, et qu’ainsi il est en quelque sorte excusable de n’avoir pas d’abord reconnu ce libérateur dans la personne de Jesus.
Il était dans le plan de la sagesse éternelle, que les idées spirituelles du vrai Messie fussent inconnues à la multitude aveugle; elles le furent au point que les docteurs Juifs se sont avisés de nier que les passages que nous alléguons doivent s’entendre; du Messie; plusieurs disent que le Messie est déjà venu en la personne d’Ézéchias, c’était le sentiment du fameux Hillel. D’autres en grand nombre prétendent la croyance de la venue d’un Messie n’est point un article fondamental de foi, et que ce dogme n’étant ni dans le d´calogue, nid ans le lévitique, il n’est qu’une espérance consolante
Le fameux rabbin Salomon Jarclai ou Raschi qui vivait au commencement du xiie siècle, dit, dans ses Talmudiques, que les anciens Hébreux ont cru que le Messie était né le jour de la dernière destruction de Jérusalem par les armées romaines; c’est, comme on dit, appeler le médecin après la mort.
Le rabbin Kimchi, qui vivait aussi au xiie siècle, annonçait que le Messie, dont il croyait la venue très prochaine, chasserait de la Judée les chrétiens qui la possédaient pour lors; il est vrai que les chrétiens perdirent la Terre-Sainte, mais ce fut Saladin qui les vainquit; pour peu que ce conquérant eût protégé les Juifs, et se fût déclaré pour eux, il est vraisemblable que dans leur enthousiasme ils en auraient fait leur Messie.
Les auteurs sacrés, et notre Seigneur Jésus lui-même, comparent souvent le règne du Messie et l’éternelle béatitude à des jours de noces, à des festins; mais les talmudistes ont étrangement abusé de ces paraboles: selon eux, le Messie donnera à son peuple rassemblé dans la terre de Canaan, un repas dont le vin sera celui qu’Adam lui-même fit dans le paradis terrestre, et qui se conserve dans de vastes celliers, creusés par les anges au centre de la terre.
On servira pour entrée le fameux poisson appelé le grand Léviathan, qui avale tout d’un coup un poisson moins grand que lui, lequel ne laisse pas d’avoir trois cents lieues de long; toute la masse des eaux est portée sur Léviathan. Dieu au commencement en créa un mâle et un autre femelle; mais de peur qu’ils ne renversassent la terre, et qu’ils ne remplissent l’univers de leurs semblables, Dieu tua la femelle, et la sala pour le festin du Messie.
Les rabbins ajoutent qu’on tuera pour ce repas le taureau Béhémoth, qui est si gros qu’il mange chaque jour le foin de mille montagnes: la femelle de ce taureau fut tuée au commencement du monde, afin qu’une espèce si prodigieuse ne se multipliât pas, ce qui n’aurait pu que nuire aux autres créatures; mais ils assurent que l’Éternel ne la sala pas, parce que la vache salée n’est pas si bonne que la léviathane. Les Juifs ajoutent encore si bien foi à toutes ces rêveries rabbiniques, que souvent ils jurent sur leur part du boeuf Béhémoth,
Après des idées si grossières sur la venue du Messie et sur son règne, faut-il s’étonner si les Juifs tant anciens que modernes, et plusieurs manie des premiers chrétiens, malheureusement imbus de toutes ces rêveries, n’ont pu s’élever à l’idée de la nature divine de l’oint du Seigneur, et n’ont pas attribué la qualité de dieu au Messie? Voyez comme les Juifs s’expriment là-dessus dans l’ouvrage intitulé Judaei Lusitani Quaestiones ad Christianos*. “Reconnaître, disent-ils, un homme-Dieu, c’est s’abuser soi-même, c’est se forger un monstre, un centaure, le bizarre composé de deux natures qui ne sauraient s’allier.” Ils ajoutent que les prophètes n’enseignent point que le Messie soit homme-Dieu, qu’ils distinguent expressément entre Dieu et David, qu’ils déclarent le premier maître, et le second serviteur, etc.
On sait assez que les juifs esclaves de la letter n’ont jamais pénétré comme nous le sens des écritures.
Lorsque le Sauveur parut, les prophéties, quoique claires, furent malheureusement obscurcies par les préjugés sucés avec le lait. Jésus-Christ lui-même, ou par ménagement, ou pour ne pas révolter les esprits, paraît extrêmement réservé sur l’article de sa divinité: “Il voulait, dit Saint Chrysostôme, “accoutumer insensiblement ses auditeurs à croire un mystère si fort élevé au-dessus de la raison”; s’il prend l’autorité d’un Dieu en pardonnant les péchés, cette action soulève tous ceux qui en sont les témoins; ses miracles les plus évidents ne peuvent convaincre de sa divinité ceux même en faveur desquels il les opère. Lorsque devant le tribunal du souverain sacrificateur il avoue, avec un modeste détour, qu’il est le fils de Dieu, le grand prêtre déchire sa robe et crie au blasphème. Avant l’envoi du Saint-Esprit, les apôtres ne soupçonnent pas même la divinité de leur cher maître; il les interroge sur ce que le peuple pense de lui; ils répondent que les uns le prennent pour Élie, les autres pour Jérémie, ou pour quelque autre prophète. Saint Pierre a besoin d’une révélation particulière pour connaître que Jésus est le Christ, le fils du Dieu vivant.
Les Juifs, révoltés contre la divinité de Jésus-Christ, ont eu recours à toutes sortes de voies pour détruire ce grand mystère; ils détournent le sens de leurs propres oracles, ou ne les appliquent pas au Messie; ils prétendent que le nom de Dieu, Éloï, n’est pas particulier à la divinité, et qu’il se donne même par les auteurs sacrés aux juges, aux magistrats, en général à ceux qui sont élevés en autorité; ils citent en effet un très grand nombre de passages des saintes Écritures, qui justifient cette observation, mais qui ne donnent aucune atteinte aux termes exprès des anciens oracles qui regardent le Messie.
Enfin ils prétendent que si le Sauveur, et après lui les évangélistes, les apôtres et les premiers chrétiens, appellent Jésus le fils de Dieu, ce terme auguste ne signifiait, dans les temps évangéliques, autre chose que l’opposé de fils de Bélial, c’est-à-dire homme de bien, serviteur de Dieu, par opposition à un méchant, un homme qui ne craint point Dieu.
Si les Juifs ont contesté à Jésus-Christ la qualité de Messie et sa divinité, ils n’ont rien négligé aussi pour le rendre méprisable, pour jeter sur sa naissance, sa vie et sa mort, tout le ridicule et tout l’opprobre qu’a pu imaginer leur criminel acharnement.
De tous les ouvrages qu’a produits l’aveuglement des Juifs, il n’en est point de plus odieux et de plus extravagant que le livre ancien intitulé Sepher Toldos Jeschut, tiré de la poussière par M. Vagenseil dans le second tome de son ouvrage intitulé Tela ignea Satanae, etc.
C’est dans ce Sepher Toldos Jeschut qu’on lit une histoire monstrueuse de la vie de notre Sauveur, forgée avec toute la passion et la mauvaise foi possibles. Ainsi, par exemple, ils ont osé écrire qu’un nommé Panther ou Pandera, habitant de Bethléem, était devenu amoureux d’une jeune femme mariée à Jokanan. Il eut de ce commerce impur un fils qui fut nommé Jesua ou Jesu. Le père de cet enfant fut obligé de s’enfuir, et se retira à Babylone. Quant au jeune Jesu, on l’envoya aux écoles; mais, ajoute l’auteur, il eut l’insolence de lever la tête et de se découvrir devant les sacrificateurs, au lieu de paraître devant eux la tête baissée et le visage couvert, comme c’était la coutume; hardiesse qui fut vivement tancée; ce qui donna lieu d’examiner sa naissance, qui fut trouvée impure, et l’exposa bientôt à l’ignominie.
Ce détestable livre Sepher Toldos Jeschut était connu dès le second siècle; Celse le cite avec confiance, et Origène le réfute au chapitre neuvième.
Il y a un autre livre intitulé aussi Toldos Jesu, publié l’an 1705 par M. Huldric, qui suit de plus près l’Évangile de l’enfance, mais qui commet à tout moment les anachronismes les plus grossiers; il fait naître et mourir Jésus-Christ sous le règne d’Hérode le Grand; il veut que ce soit à ce prince qu’aient été faites les plaintes sur l’adultère de Panther et de Marie mère de Jésus.
L’auteur, qui prend le nom de Jonathan, qui se dit contemporain de Jésus-Christ et demeurant à Jérusalem, avance qu’Hérode consulta sur le fait de Jésus-Christ les sénateurs d’une ville dans la terre de Césarée: nous ne suivrons pas un auteur aussi absurde dans toutes ses contradictions.
Cependant c’est à la faveur de toutes ces calomnies que les Juifs s’entretiennent dans leur haine implacable contre les chrétiens et contre l’Évangile; ils n’ont rien négligé pour altérer la chronologie du vieux Testament, et pour répandre des doutes et des difficultés sur le temps de la venue de notre Sauveur.
Ahmed-ben-Cassum-la-Andacousi, maure de Grenade, qui vivait sur la fin du xvie siècle, cite un ancien manuscrit arabe qui fut trouvé avec seize lames de plomb, gravées en caractères arabes, dans une grotte près de Grenade. Don Pedro y Quinones, archevêque de Grenade, en a rendu lui-même témoignage. Ces lames de plomb, qu’on appelle de Grenade, ont été depuis portées à Rome, où, après un examen de plusieurs années, elles ont été condamnées comme apocryphes sous le pontificat d’Alexandre VII; elles ne renferment que des histoires fabuleuses touchant la vie de Marie et de son fils.
Le nom de Messie, accompagné de l’épithète de faux, se donne encore à ces imposteurs qui dans divers temps ont cherché à abuser la nation juive. Il y eut de ces faux Messie avant même la venue du véritable oint de Dieu. Le sage Gamaliel parle** d’un nommé Théodas, dont l’histoire se lit dans les antiquités judaïques de Josèphe, liv. 20, chap. 2. Il se vantait de passer le Jourdain à pied sec; il attira beaucoup de gens à sa suite: mais les Romains étant tombés sur sa petite troupe la dissipèrent, coupèrent la tête au malheureux chef, et l’exposèrent dans Jérusalem.
Gamaliel parle aussi de Judas le Galiléen, qui est sans doute le même dont Josèphe fait mention dans le 12. chapitre du second livre de la guerre des Juifs. Il dit que ce faux prophète avait ramassé près de trente mille hommes; mais l’hyperbole est le caractère de l’historien juif.
Dès les temps apostoliques, l’on vit Simon surnommé le magician***, qui avait su séduire les habitants de Samarie, au point qu’ils le considéraient comme la vertu de Dieu.
Dans le siècle suivant, l’an 178 et 179 de l’ère chrétienne, sous l’empire d’Adrien, parut le faux-Messie Barchochébas, à la tête d’une armée. L’empereur envoya contre lui Julius Severus, qui, après plusieurs rencontres, enferma les révoltés dans la ville de Bither; elle soutint un siège opiniâtre, et fut emportée: Barchochébas y fut pris et mis à mort. Adrien crut ne pouvoir mieux prévenir les continuelles révoltes des Juifs, qu’en leur défendant par un édit d’aller à Jérusalem; il établit même des gardes aux portes de cette ville, pour en défendre l’entrée aux restes du peuple d’Israël.
On lit dans Socrate, historien ecclésiastique****, que l’an 434 il parut dans l’île de Candie un faux-Messie qui s’appelait Moïse. Il se disait l’ancien libérateur des Hébreux, ressuscité pour les délivrer encore.
Un siècle après, en 530, il y eut dans la Palestine un faux-Messie nommé Julien; il s’annonçait comme un grand conquérant, qui, à la tête de sa nation, détruirait par les armes tout le peuple chrétien; séduits par ses promesses, les Juifs armés massacrèrent plusieurs chrétiens. L’empereur Justinien envoya des troupes contre lui; on livra bataille au faux Christ; il fut pris, et condamné au dernier supplice.
Au commencement du 8e. siècle, Serenus, juif espagnol, se porta pour messie, prêcha, eut des disciples, et mourut comme eux dans la misère.
Il s’éleva plusieurs faux-Messies dans le xiie siècle. Il en parut un en France sous Louis le Jeune; il fut pendu lui et ses adhérents, sans qu’on ait jamais su les noms ni du maître ni des disciples.
Le xiiie siècle fut fertile en faux-Messies; on en compte sept ou huit qui parurent en Arabie, en Perse, dans l’Espagne, en Moravie: l’un d’eux, qui se nommait David el Re, passe pour avoir été un très grand magicien; il séduisit les Juifs, et se vit à la tête d’un parti considérable; mais ce Messie fut assassiné.
Jacques Zieglerne de Moravie, qui vivait au milieu du xvie siècle, annonçait la prochaine manifestation du Messie, né, à ce qu’il assurait, depuis quatorze ans; il l’avait vu, disait-il, à Strasbourg et il gardait avec soin une épée et un sceptre pour les lui mettre en main dès qu’il serait en âge d’enseigner.
L’an 1624, un autre Zieglerne confirma la prédiction du premier.
L’an 1666, Zabatei-Sévi, né dans Alep, se dit le Messie prédit par les Zieglernes. Il débuta par prêcher sur les grands chemins et au milieu des campagnes; les Turcs se moquaient de lui, pendant que ses disciples l’admiraient. Il paraît qu’il ne mit pas d’abord dans ses intérêts le gros de la nation juive, puisque les chefs de la synagogue de Smyrne portèrent contre lui une sentence de mort; mais il en fut quitte pour la peur et le bannissement.
Il contracta trois mariages, et l’on prétend qu’il n’en consomma point, disant que cela était au-dessous de lui. Il s’associa un nommé Nathan-Lévi: celui-ci fit le personnage du prophète Élie, qui devait précéder le Messie. Ils se rendirent à Jérusalem, et Nathan y annonça Sabatei-Sévi comme le libérateur des nations. La populace juive se déclara pour eux; mais ceux qui avaient quelque chose à perdre les anathématisèrent.
Sévi, pour fuir l’orage, se retira à Constantinople, et de là à Smyrne; Nathan-Lévi lui envoya quatre ambassadeurs, qui le reconnurent et le saluèrent publiquement en qualité de Messie; cette ambassade en imposa au peuple, et même à quelques docteurs, qui déclarèrent Sabathei-Sévi Messie et roi des Hébreux. Mais la synagogue de Smyrne condamna son roi à être empalé.
Sabatei se mit sous la protection du cadi de Smyrne, et eut bientôt pour lui tout le peuple juif; il fit dresser deux trônes, un pour lui et l’autre pour son épouse favorite; il prit le nom de roi des rois, et donna à Joseph Sévi son frère celui de roi de Juda. Il promit aux Juifs la conquête de l’empire ottoman assurée. Il poussa même l’insolence jusqu’à faire ôter de la liturgie juive le nom de l’empereur, et à y faire substituer le sien.
On le fit mettre en prison aux Dardanelles; les Juifs publièrent qu’on n’épargnait sa vie que parce que les Turcs savaient bien qu’il était immortel. Le gouverneur des Dardanelles s’enrichit des présents que les Juifs lui prodiguèrent pour visiter leur roi, leur Messie prisonnier, qui dans les fers conservait toute sa dignité, et se faisait baiser les pieds.
Cependant le sultan, qui tenait sa cour à Andrinople, voulut faire finir cette comédie; il fit venir Sévi, et lui dit que s’il était Messie il devait être invulnérable; Sévi en convint. Le Grand-Seigneur le fit placer pour but aux flèches de ses icoglans; le Messie messie avoua qu’il n’était point invulnérable, et protesta que Dieu ne l’envoyait que pour rendre témoignage à la sainte religion musulmane. Fustigé par les ministres de la loi, il se fit mahométan, et il vécut et mourut également méprisé des Juifs et des musulmans; ce qui a si fort décrédité la profession de faux-Messie, que Sévi est le dernier qui ait paru. _______________________________
*Quaest 1.,2.,4.,23
**Act Apost., cv..34,35.36.
*** Act. Apost. C.8.,9.
****Socr., hist.eccl.,2. chap. 32

Grâce – Gnade (Originaltext)

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Sacrés consulteurs de Rome moderne, illustres et infaillibles théologiens, personne n’a plus de respect que moi pour vos divines décisions ; mais si Paul-Émile, Scipion, Caton, Cicéron, César, Titus, Trajan, Marc-Auréle, revenaient dans cette Rome qu’ils mirent autrefois en quelque crédit, vous m’avouerez qu’ils seraient un peu étonnés de vos décisions sur la grâce. Que diraient-ils s’ils entendaient parler de la grâce de santé, selon saint Thomas, et de la grâce médicinale, selon Cajetan ; de la grâce extérieure et intérieure, de la gratuite, de la sanctifiante, de l’actuelle, de l’habituelle, de la coopérante ; de l’efficace, qui quelquefois est sans effet ; de la suffisante, qui quelquefois ne suffit pas ; de la versatile, et de la congrue ? En bonne foi, y comprendraient-ils plus que vous et moi ?
Quel besoin auraient ces pauvres gens de vos sublimes instructions ? Il me semble que je les entends dire :
Mes révérends pères, vous êtes de terribles génies : nous pensions sottement que l’Être éternel ne se conduit jamais par les lois particulières comme les vils humains, mais par ses lois générales, éternelles comme lui. Personne n’a jamais imaginé parmi nous que Dieu fût semblable à un maître insensé qui donne un pécule à un esclave, et refuse la nourriture à l’autre ; qui ordonne à un manchot de pétrir de la farine, à un muet de lui faire la lecture, à un cul-de-jatte d’être son courrier.
Tout est grâce de la part de Dieu, il a fait au globe que nous habitons la grâce de le former ; aux arbres, la grâce de les faire croître ; aux animaux, celle de les nourrir ; mais dira-t-on que si un loup trouve dans son chemin un agneau pour son souper, et qu’un autre loup meure de faim, Dieu a fait à ce premier loup une grâce particulière ? S’est-il occupé, par une grâce prévenante, à faire croître un chêne préférablement à un autre chêne à qui la sève a manqué ? Si dans toute la nature tous les êtres sont soumis aux lois générales, comment une seule espèce d’animaux n’y serait-elle pas soumise ?
Pourquoi le maître absolu de tout aurait-il été plus occupé à diriger l’intérieur d’un seul homme qu’à conduire le reste de la nature entière ? Par quelle bizarrerie changerait-il quelque chose dans le cœur d’un Courlandais ou d’un Biscaïen, pendant qu’il ne change rien aux lois qu’il a imposées à tous les astres ?
Quelle pitié de supposer qu’il fait, défait, refait continuellement des sentiments dans nous ! et quelle audace de nous croire exceptés de tous les êtres ! Encore n’est-ce que pour ceux qui se confessent que tous ces changements sont imaginés. Un Savoyard, un Bergamasque aura le lundi la grâce de faire dire une messe pour douze sous ; le mardi, il ira au cabaret, et la grâce lui manquera ; le mercredi, il aura une grâce coopérante qui le conduira à confesse, mais il n’aura point la grâce efficace de la contrition parfaite ; le jeudi, ce sera une grâce suffisante qui ne lui suffira point, comme on l’a déjà dit. Dieu travaillera continuellement dans la tête de ce Bergamasque, tantôt avec force, tantôt faiblement, et le reste de la terre ne lui sera de rien ! il ne daignera pas se mêler de l’intérieur des Indiens et des Chinois ! S’il vous reste un grain de raison, mes révérends pères, ne trouvez-vous pas ce système prodigieusement ridicule ?
Malheureux, voyez ce chêne qui porte sa tête aux nues, et ce roseau qui rampe à ses pieds ; vous ne dites pas que la grâce efficace a été donnée au chêne, et a manqué au roseau. Levez les yeux au ciel, voyez l’éternel Demiourgos créant des millions de mondes qui gravitent tous les uns vers les autres par des lois générales et éternelles. Voyez la même lumière se réfléchir du soleil à Saturne, et de Saturne à nous ; et dans cet accord de tant d’astres emportés par un cours rapide, dans cette obéissance générale de toute la nature, osez croire, si vous pouvez, que Dieu s’occupe de donner une grâce versatile à sœur Thérèse, et une grâce concomitante à sœur Agnès.
Atome, à qui un sot atome a dit que l’Éternel a des lois particulières pour quelques atomes de ton voisinage ; qu’il donne sa grâce à celui-là, et la refuse à celui-ci ; que tel, qui n’avait pas la grâce hier, l’aura demain ; ne répète pas cette sottise. Dieu a fait l’univers, et ne va point créer des vents nouveaux pour remuer quelques brins de paille dans un coin de cet univers. Les théologiens sont comme les combattants chez Homère, qui croyaient que les dieux s’armaient tantôt contre eux, tantôt en leur faveur. Si Homère n’était pas considéré comme poëte, il le serait comme blasphémateur.
C’est Marc-Aurèle qui parle, ce n’est pas moi : car Dieu, qui vous inspire, me fait la grâce de croire tout ce que vous dites, tout ce que vous avez dit, et tout ce que vous direz.

Pierre – Petrus (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Pierre – Petrus aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Pourquoi les successeurs de saint Pierre ont-ils eu tant de pouvoir en Occident, et aucun en Orient? C’est demander pourquoi les évêques de Vurtzbourg et de Saltzbourg se sont attribué les droits régaliens dans des temps d’anarchie, tandis que les évêques grecs sont toujours restés sujets. Le temps, l’occasion, l’ambition des uns et la faiblesse des autres, ont fait et feront tout dans ce monde. Nous faisons toujours abstraction de ce qui est divin. A cette anarchie l’opinion s’est jointe, et l’opinion est la reine des hommes. Ce n’est pas qu’en effet ils aient une opinion bien déterminée, mais des mots leur en tiennent lieu.
« Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. » Les partisans outrés de l’évêque de Rome soutinrent, vers le xie siècle, que qui donne le plus donne le moins, que les cieux entouraient la terre; et que Pierre ayant les clefs du contenant, il avait aussi les clefs du contenu. Si on entend par les cieux toutes les étoiles et toutes les planètes, il est évident, selon Tomasius, que les clefs données à Simon Barjone, surnommé Pierre, étaient un passe-partout. Si on entend par les cieux les nuées, l’atmosphère, l’éther, l’espace dans lequel roulent les planètes, il n’y a guère de serruriers, selon Meursius, qui puissent faire une clef pour ces portes-là. Mais les railleries ne sont pas des raisons.
Les clefs en Palestine étaient une cheville de bois qu’on liait avec une courroie. Jésus dit à Barjone: « Ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans le ciel. » Les théologiens du pape en ont conclu que les papes avaient reçu le droit de lier et de délier les peuples du serment de fidélité fait à leurs rois, et de disposer à leur gré de tous les royaumes. C’est conclure magnifiquement. Les communes, dans les états généraux de France en 1302, disent, dans leur requête au roi, que « Boniface VIII était un b***** qui croyait que Dieu liait et emprisonnait au ciel ce que ce Boniface liait sur terre. » Un fameux luthérien d’Allemagne (c’était Mélanchton) ne pouvait souffrir que Jésus eût dit à Simon Barjone, Cepha ou Cephas: « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon assemblée, mon Église. » Il ne pouvait concevoir que Dieu eût employé un pareil jeu de mots, une pointe si extraordinaire, et que la puissance du pape fût fondée sur un quolibet.
Pierre a passé pour avoir été évêque de Rome; mais on sait assez qu’en ce temps-là, et longtemps après, il n’y eut aucun évêché particulier. La société chrétienne ne prit une forme que vers le milieu du iie siècle. Il se peut que Pierre eût fait le voyage de Rome; il se peut même qu’il fût mis en croix la tête en bas, quoique ce ne fût pas l’usage; mais on n’a aucune preuve de tout cela. Nous avons une lettre sous son nom, dans laquelle il dit qu’il est à Babylone: des canonistes judicieux ont prétendu que par Babylone on devait entendre Rome. Ainsi, supposé qu’il eût daté de Rome, on aurait pu conclure que la lettre avait été écrite à Babylone. On a tiré longtemps de pareilles conséquences, et c’est ainsi que le monde a été gouverné.
Il y avait un saint homme à qui on avait fait payer bien chèrement un bénéfice à Rome, ce qui s’appelle une simonie; on lui demandait s’il croyait que Simon Pierre eût été au pays; il répondit: « Je ne crois pas que Pierre y ait été, mais je suis sûr de Simon. »
Quant à la personne de saint Pierre, il faut avouer que Paul n’est pas le seul qui ait été scandalisé de sa conduite; on lui a souvent résisté en face, à lui et à ses successeurs. Ce Paul lui reprochait aigrement de manger des viandes défendues, c’est-à-dire du porc, du boudin, du lièvre, des anguilles, de l’ixion, et du griffon; Pierre se défendait en disant qu’il avait vu le ciel ouvert vers la sixième heure, et une grande nappe qui descendait des quatre coins du ciel, laquelle était toute remplie d’anguilles, de quadrupèdes et d’oiseaux, et que la voix d’un ange avait crié: « Tuez et mangez. » C’est apparemment cette même voix qui a crié à tant de pontifes: « Tuez tout, et mangez la substance du peuple, » dit Voloston
Casaubon ne peut approuver la manière dont Pierre traita Anania et Saphira sa femme. « De quel droit, dit Casaubon, un Juif esclave des Romains ordonnait-il ou souffrait-il que tous ceux qui croiraient en Jésus vendissent leurs héritages et en apportassent le prix à ses pieds? Si quelque anabaptiste à Londres faisait apporter à ses pieds tout l’argent de ses frères, ne serait-il pas arrêté comme un séducteur séditieux, comme un larron, qu’on ne manquerait pas d’envoyer à Tyburn? N’est-il pas horrible de faire mourir Anania, parce qu’ayant vendu son fonds et en ayant donné l’argent à Pierre, il avait retenu pour lui et pour sa femme quelques écus pour subvenir à leurs nécessités, sans le dire? » A peine Anania est-il mort, que sa femme arrive. Pierre, au lieu de l’avertir charitablement qu’il vient de faire mourir son mari d’apoplexie pour avoir gardé quelques oboles, et de lui dire de bien prendre garde à elle, la fait tomber dans le piège. Il lui demande si son mari a donné tout son argent aux saints. La bonne femme répond oui, et elle meurt sur-le-champ. Cela est dur.
Conringius demande pourquoi Pierre, qui tuait ainsi ceux qui lui avaient fait l’aumône, n’allait pas tuer plutôt tous les docteurs qui avaient fait mourir Jésus-Christ, et qui le firent fouetter lui-même plus d’une fois. « O Pierre, dit Conringius, vous faites mourir deux chrétiens qui vous ont fait l’aumône, et vous laissez vivre ceux qui ont crucifié votre Dieu! »
Apparemment que Conringius n’était pas en pays d’inquisition quand il faisait ces questions hardies. Érasme, à propos de Pierre, remarquait une chose fort singulière; c’est que le chef de la religion chrétienne commença son apostolat par renier Jésus-Christ, et que le premier pontife des Juifs avait commencé son ministère par faire un veau d’or et par l’adorer.
Quoi qu’il en soit, Pierre nous est dépeint comme un pauvre qui catéchisait des pauvres. Il ressemble à ces fondateurs d’ordres, qui vivaient dans l’indigence, et dont les successeurs sont devenus grands seigneurs.
Le pape, successeur de Pierre, a tantôt gagné, tantôt perdu; mais il lui reste encore environ cinquante millions d’hommes sur la terre, soumis en plusieurs points à ses lois, outre ses sujets immédiats.
Se donner un maître à trois ou quatre cents lieues de chez soi; attendre pour penser que cet homme ait paru penser; n’oser juger en dernier ressort un procès entre quelques-uns de ses concitoyens que par des commissaires nommés par cet étranger; n’oser se mettre en possession des champs et des vignes qu’on a obtenus de son propre roi, sans payer une somme considérable à ce maître étranger; violer les lois de son pays qui défendent d’épouser sa nièce, et l’épouser légitimement en donnant à ce maître étranger une somme encore plus considérable; n’oser cultiver son champ le jour que cet étranger veut qu’on célèbre la mémoire d’un inconnu qu’il a mis dans le ciel de son autorité privée: c’est là en partie ce que c’est que d’admettre un pape; ce sont là les libertés de l’Église gallicane.
Il y a quelques autres peuples qui portent plus loin leur soumission. Nous avons vu de nos jours un souverain demander au pape la permission de faire juger par son tribunal royal des moines accusés de parricide, ne pouvoir obtenir cette permission, et n’oser les juger?
On sait assez qu’autrefois les droits des papes allaient plus loin; ils étaient fort au-dessus des dieux de l’antiquité; car ces dieux passaient seulement pour disposer des empires, et les papes en disposaient en effet.
Sturbinus dit qu’on peut pardonner à ceux qui doutent de la divinité et de l’infaillibilité du pape, quand on fait réflexion:
Que quarante schismes ont profané la chaire de saint Pierre, et que vingt-sept l’ont ensanglantée;
Qu’Étienne VII, fils d’un prêtre, déterra le corps de Formose son prédécesseur, et fit trancher la tête à ce cadavre;
Que Sergius III, convaincu d’assassinats, eut un fils de Marozie, lequel hérita de la papauté;
Que Jean X, amant de Théodora, fut étranglé dans son lit;
Que Jean XI, fils de Sergius III, ne fut connu que par sa crapule;
Que Jean XII fut assassiné chez sa maîtresse;
Que Benoît IX acheta et revendit le pontificat;
Que Grégoire VII fut l’auteur de cinq cents ans de guerres civiles soutenues par ses successeurs;
Qu’enfin parmi tant de papes ambitieux, sanguinaires et débauchés, il y eut un Alexandre VI, dont le nom n’est prononcé qu’avec la même horreur que ceux des Néron et des Caligula.
C’est une preuve, dit-on, de la divinité de leur caractère, qu’elle ait subsisté avec tant de crimes; mais si les califes avaient eu une conduite encore plus affreuse, ils auraient donc été encore plus divins. C’est ainsi que raisonne Dermius; on lui a répondu.

Joseph (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Joseph aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


L’histoire de Joseph, à ne la considérer que comme un objet de curiosité et de littérature, est un des plus précieux monuments de l’antiquité qui soient parvenus jusqu’à nous. Elle paraît être le modèle de tous les écrivains orientaux; elle est plus attendrissante que l’Odyssée d’Homère; car un héros qui pardonne est plus touchant que celui qui se venge.
Nous regardons les Arabes comme les premiers auteurs de ces fictions ingénieuses qui ont passé dans toutes les langues; mais je ne vois chez eux aucune aventure comparable à celle de Joseph. Presque tout en est merveilleux, et la fin peut faire répandre des larmes d’attendrissement. C’est un jeune homme de seize ans dont ses frères sont jaloux; il est vendu par eux à une caravane de marchands ismaélites, conduit en Égypte, et acheté par un eunuque du roi. Cet eunuque avait une femme, ce qui n’est point du tout étonnant; le kisler-aga, eunuque parfait, à qui on a tout coupé, a aujourd’hui un sérail à Constantinople: on lui a laissé ses yeux et ses mains, et la nature n’a point perdu ses droits dans son coeur. Les autres eunuques, à qui on n’a coupé que les deux accompagnements de l’organe de la génération, emploient encore souvent cet organe; et Putiphar, à qui Joseph fut vendu, pouvait très bien être du nombre de ces eunuques.
La femme de Putiphar devient amoureuse du jeune Joseph, qui, fidèle à son maître et à son bienfaiteur, rejette les empressements de cette femme. Elle en est irritée, et accuse Joseph d’avoir voulu la séduire. C’est l’histoire d’Hippolyte et de Phèdre, de Bellérophon et de Sténobée, d’Hébrus et de Damasippe, de Tantis(21) et de Péribée, de Myrtile et d’Hippodamie, de Pélée et de Demenette.
Il est difficile de savoir quelle est l’originale de toutes ces histoires; mais, chez les anciens auteurs arabes, il y a un trait, touchant l’aventure de Joseph et de la femme de Putiphar, qui est fort ingénieux. L’auteur suppose que Putiphar, incertain entre sa femme et Joseph, ne regarda pas la tunique de Joseph, que sa femme avait déchirée, comme une preuve de l’attentat du jeune homme. Il y avait un enfant au berceau dans la chambre de la femme; Joseph disait qu’elle lui avait déchiré et ôté sa tunique en présence de l’enfant. Putiphar consulta l’enfant, dont l’esprit était fort avancé pour son âge; l’enfant dit à Putiphar: « Regardez si la tunique est déchirée par devant ou par derrière: si elle l’est par devant, c’est une preuve que Joseph a voulu prendre par force votre femme qui se défendait; si elle l’est par derrière, c’est une preuve que votre femme courait après lui. » Putiphar, grâce au génie de cet enfant, reconnut l’innocence de son esclave. C’est ainsi que cette aventure est rapportée dans l’Alcoran d’après l’ancien auteur arabe. Il ne s’embarrasse point de nous instruire à qui appartient l’enfant qui jugea avec tant d’esprit: si c’était un fils de la Putiphar, Joseph n’était pas le premier à qui cette femme en avait voulu.
Quoi qu’il en soit, Joseph, selon la Genèse, est mis en prison, et il s’y trouve en compagnie de l’échanson et du panetier du roi d’Égypte. Ces deux prisonniers d’État rêvent tous deux pendant la nuit: Joseph explique leurs songes; il leur prédit que dans trois jours l’échanson rentrera en grâce, et que le panetier sera pendu; ce qui ne manqua pas d’arriver.
Deux ans après, le roi d’Égypte rêve aussi; son échanson lui dit qu’il y a un jeune Juif en prison, qui est le premier homme du monde pour l’intelligence des rêves: le roi fait venir le jeune homme, qui lui prédit sept années d’abondance, et sept années de stérilité.
Interrompons un peu ici le fil de l’histoire, pour voir de quelle prodigieuse antiquité est l’interprétation des songes. Jacob avait vu en songe l’échelle mystérieuse au haut de laquelle était Dieu lui-même: il apprit en songe une méthode de multiplier les troupeaux; méthode qui n’a jamais réussi qu’à lui. Joseph lui-même avait appris par un songe qu’il dominerait un jour sur ses frères. Abimélech, longtemps auparavant, avait été averti en songe que Sara était femme d’Abrabam. (voyez l’article Songe)
Revenons à Joseph. Dès qu’il eut expliqué le songe de Pharaon, il fut sur-le-champ premier ministre. On doute qu’aujourd’hui on trouvât un roi, même en Asie, qui donnât une telle charge pour un rêve expliqué. Pharaon fit épouser à Joseph une fille de Putiphar. Il est dit que ce Putiphar était grand prêtre d’Héliopolis; ce n’était donc pas l’eunuque, son premier maître; ou si c’était lui, il avait encore certainement un autre titre que celui de grand prêtre, et sa femme avait été mère plus d’une fois.
Cependant la famine arriva comme Joseph l’avait prédit; et Joseph, pour mériter les bonnes grâces de son roi, força tout le peuple à vendre ses terres à Pharaon; et toute la nation se fit esclave pour avoir du blé: c’est là apparemment l’origine du pouvoir despotique. Il faut avouer que jamais roi n’avait fait un meilleur marché; mais aussi le peuple ne devait guère bénir le premier ministre.
Enfin, le père et les fréres de Joseph eurent aussi besoin de blé, car la famine désolait alors toute la terre. Ce n’est pas la peine de raconter ici comment Joseph reçut ses frères, comment il leur pardonna et les enrichit. On trouve dans cette histoire tout ce qui constitue un poème épique intéressant; exposition, noeud, reconnaissance, péripétie, et merveilleux: rien n’est plus marqué au coin du génie oriental.
Ce que le bonhomme Jacob, père de Joseph, répondit à Pharaon, doit bien frapper ceux qui savent lire. Quel âge avez-vous? lui dit le roi. — J’ai cent trente ans, dit le vieillard, et je n’ai pas eu encore un jour heureux dans ce court pèlerinage.

Jephté – Jephta (Originatext)

Wir geben hier den Artikel Jephte – Jephta aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Ou des sacrifices de sang humain.

Il est évident, par le texte du livre des Juges, que Jephté promit de sacrifier la première personne qui sortirait de sa maison pour venir le féliciter de sa victoire contre les Ammonites. Sa fille unique vint au-devant de lui; il déchira ses vêtements, et il l’immola après lui avoir permis d’aller pleurer sur les montagnes le malheur de mourir vierge. Les filles juives célébrèrent longtemps cette aventure, en pleurant la fille de Jephté pendant quatre jours (voyez chapitre 12 des Juges).
En quelque temps que cette histoire ait été écrite, qu’elle soit imitée de l’histoire grecque d’Agamemnon et d’Idoménée, ou qu’elle en soit le modèle, qu’elle soit antérieure ou postérieure à de pareilles histoires assyriennes, ce n’est pas ce que j’examine; je m’en tiens au texte: Jepthé voua sa fille en holocauste, et accomplit son voeu.

Il était expressément ordonné par la loi juive d’immoler les hommes voués au Seigneur. Tout homme voué ne sera point racheté, mais sera mis à mort sans rémission. La Vulgate traduit: Non redimetur, sed morte morietur. Lévitique chap.27.verset 29.
C’est en vertu de cette loi que Samuel coupa en morceaux le roi Agag, à qui, comme nous l’avons déjà dit, Saül avait pardonné; et c’est même pour avoir épargné Agag que Saül fut réprouvé du Seigneur, et perdit son royaume.
Voilà donc les sacrifices de sang humain clairement établis; il n’y a aucun point d’histoire mieux constaté; on ne peut juger d’une nation que par ses archives, et par ce qu’elle rapporte d’elle-même.

Égalité – Gleichheit (Originaltext)

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Que doit un chien à un chien, et un cheval à un cheval ? rien, aucun animal ne dépend de son semblable ; mais l’homme ayant reçu le rayon de la divinité qu’on appelle raison, quel en est le fruit ? C’est d’être esclave dans presque toute la terre.
Si cette terre était ce qu’elle semble devoir être, si l’homme y trouvait partout une subsistance facile et assurée, et un climat convenable à sa nature, il est clair qu’il eût été impossible à un homme d’en asservir un autre. Que ce globe soit couvert de fruits salutaires; que l’air qui doit contribuer à notre vie ne nous donne point des maladies et une mort prématurée; que l’homme n’ait besoin d’autre logis et d’autre lit que de celui des daims et des chevreuils; alors les Gengis-kan et les Tamerlan n’auront de valets que leurs enfants, qui seront assez honnêtes gens pour les aider dans leur vieillesse.
Dans cet état naturel dont jouissent tous les quadrupèdes non domptés, les oiseaux et les reptiles, l’homme serait aussi heureux qu’eux; la domination serait alors une chimère, une absurdité à laquelle personne ne penserait: car pourquoi chercher des serviteurs quand vous n’avez besoin d’aucun service?
S’il passait par l’esprit de quelque individu à tête tyrannique et à bras nerveux d’asservir son voisin moins fort que lui, la chose serait impossible: l’opprimé serait sur le Danube avant que l’oppresseur eût pris ses mesures sur le Volga.
Tous les hommes seraient donc nécessairement égaux, s’ils étaient sans besoins la misère attachée à notre espèce subordonne un homme à un autre homme: ce n’est pas l’inégalité qui est un malheur réel, c’est la dépendance. Il importe fort peu que tel homme s’appelle sa hautesse, tel autre sa sainteté; mais il est dur de servir l’un ou l’autre.
Une famille nombreuse a cultivé un bon terroir; deux petites familles voisines ont des champs ingrats et rebelles: il faut que les deux pauvres familles servent la famille opulente, ou qu’elles l’égorgent, cela va sans difficulté. Une des deux familles indigentes va offrir ses bras à la riche pour avoir du pain; l’autre va l’attaquer et est battue. La famille servante est l’origine des domestiques et des manoeuvres; la famille battue est l’origine des esclaves.
Il est impossible dans notre malheureux globe que les hommes vivant en société ne soient pas divisés en deux classes: l’une, d’oppresseurs qui commandent; l’autre, d’opprimés qui servent; et ces deux se subdivisent en mille, et ces mille ont encore des nuances différentes.
Tous les opprimés ne sont pas malheureux. La plupart sont nés dans cet état et ne sont pas absolument malheureux. La plupart sont nés dans cet état, et le travail continuel les empêche de trop sentir leur situation; mais quand ils la sentent, alors on voit des guerres, comme celle du parti populaire contre le parti du sénat à Rome, celles des paysans en Allemagne, en Angleterre, en France. Toutes ces guerres finissent tôt ou tard par l’asservissement du peuple, parce que les puissants ont l’argent, et que l’argent est maître de tout dans un État: je dis dans un État, car il n en est pas de même de nation à nation. La nation qui se servira le mieux du fer subjuguera toujours celle qui aura plus d’or et moins de courage.
Tout homme naît avec un penchant assez violent pour la domination, la richesse et les plaisirs, et avec beaucoup de goût pour la paresse; par conséquent tout homme voudrait avoir l’argent et les femmes ou les filles des autres, être leur maître, les assujettir à tous ses caprices, et ne rien faire, ou du moins ne faire que des choses très agréables. Vous voyez bien qu’avec ces belles dispositions il est aussi impossible que les hommes soient égaux qu’il est impossible que deux prédicateurs ou deux professeurs de théologie ne soient pas jaloux l’un de l’autre.
Le genre humain, tel qu’il est, ne peut subsister, à moins qu’il n’y ait une infinité d’hommes utiles qui ne possèdent rien du tout: car, certainement, un homme à son aise ne quittera pas sa terre pour venir labourer la vôtre; et si vous avez besoin d’une paire de souliers, ce ne sera pas un maître des requêtes qui vous la fera. L’égalité est donc à la fois la chose la plus naturelle, et en même temps la plus chimérique.
Comme les hommes sont excessifs en tout quand ils le peuvent, on a outré cette inégalité; on a prétendu dans plusieurs pays qu’il n’était pas permis à un citoyen de sortir de la contrée où le hasard l’a fait naître; le sens de cette loi est visiblement: « Ce pays est si mauvais et si mal gouverné que nous défendons à chaque individu d’en sortir, de peur que tout le monde n’en sorte. » Faites-mieux: donnez à tous vos sujets envie de demeurer chez vous, et aux étrangers d’y venir.
Chaque homme, dans le fond de son coeur, a droit de se croire entièrement égal aux autres hommes: il ne s’ensuit pas de là que le cuisinier d’un cardinal doive ordonner à son maître de lui faire à dîner, le cuisinier peut dire: « Je suis homme comme mon maître; je suis né comme lui en pleurant; il mourra comme moi dans les mêmes angoisses et les mêmes cérémonies. Nous faisons tous deux les mêmes fonctions animales. Si les Turcs s’emparent de Rome, et si alors je suis cardinal et mon maître cuisinier, je le prendrai à mon service. » Tout ce discours est raisonnable et juste: mais en attendant que le Grand Turc s’empare de Rome, le cuisinier doit faire son devoir, ou toute société humaine est pervertie.
A l’égard d’un homme qui n’est ni cuisinier d’un cardinal, ni revêtu d’aucune autre charge dans l’État; à l’égard d’un particulier qui ne tient à rien, mais qui est fâché d’être reçu partout avec l’air de la protection ou du mépris, qui voit évidemment que plusieurs monsignori n’ont ni plus de science, ni plus d’esprit, ni plus de vertu que lui, et qui s’ennuie d’être quelquefois dans leur antichambre, quel parti doit-il prendre? Celui de s’en aller.

Fraude- Betrug (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Fraude – Betrug aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


S’il faut user de fraudes pieuses avec le peuple?

Le fakir Bambabef rencontra un jour un des disciples de Confutzée, que nous nommons Confucius, et ce disciple s’appelait Ouang, et Bambabef soutenait que le peuple a besoin d’être trompé, et Ouang prétendait qu’il ne faut jamais tromper personne; et voici le précis de leur dispute. Bambabef.
Il faut imiter l’Être suprême, qui ne nous montre pas les choses telles qu’elles sont; il nous fait voir le soleil sous un diamètre de deux ou trois pieds, quoique cet astre soit un million de fois plus gros que la terre; il nous fait voir la lune et les étoiles attachées sur un même fond bleu, tandis qu’elles sont à des profondeurs différentes. Il veut qu’une tour carrée nous paraisse ronde de loin; il veut que le feu nous paraisse chaud, quoiqu’il ne soit ni chaud ni froid; enfin il nous environne d’erreurs convenables à notre nature.
Ouang.
Ce que vous nommez erreur n’en est point une. Le soleil, tel qu’il est placé à des millions de millions de lis(25) au delà de notre globe, n’est pas celui que nous voyons. Nous n’apercevons réellement et nous ne pouvons apercevoir que le soleil qui se peint dans notre rétine, sous un angle déterminé. Nos yeux ne nous ont point été donnés pour connaître les grosseurs et les distances, il faut d’autres secours et d’autres opérations pour les connaître.
Bambabef parut fort étonné de ce propos. Ouang, qui était très patient, lui expliqua la théorie de l’optique; et Bambabef, qui avait de la conception, se rendit aux démonstrations du disciple de Confutzée; puis il reprit la dispute en ces termes. Bambabef.
Si Dieu ne nous trompe point par le ministère de nos sens, comme je le croyais, avouez au moins que les médecins trompent toujours les enfants pour leur bien; ils leur disent qu’ils leur donnent du sucre, et en effet ils leur donnent de la rhubarbe. Je puis donc, moi fakir, tromper le peuple, qui est aussi ignorant que les enfants.
Ouang.
J’ai deux fils; je ne les ai jamais trompés; je leur ai dit, quand ils ont été malades: « Voilà une médecine très amère, il faut avoir le courage de la prendre; elle vous nuirait si elle était douce. » Je n’ai jamais souffert que leurs gouvernantes et leurs précepteurs leur fissent peur des esprits, des revenants, des lutins, des sorciers; par là j’en ai fait de jeunes citoyens courageux et sages.
Bambabef.
Le peuple n’est pas né si heureusement que votre famille.
Ouang.
Tous les hommes se ressemblent à peu près; ils sont nés avec les mêmes dispositions. Il ne faut pas corrompre la nature des hommes.
Bambabef.
Nous leur enseignons des erreurs, je l’avoue, mais c’est pour leur bien. Nous leur faisons accroire que s’ils n’achètent pas nos clous bénits, s’ils n’expient pas leurs péchés en nous donnant de l’argent, ils deviendront, dans une autre vie, chevaux de poste, chiens ou lézards cela les intimide, et ils deviennent gens de bien.
Ouang.
Ne voyez-vous pas que vous pervertissez ces pauvres gens? Il y en a parmi eux bien plus qu’on ne pense qui raisonnent, qui se moquent de vos miracles, de vos superstitions, qui voient fort bien qu’ils ne seront changés ni en lézards ni en chevaux de poste. Qu’arrive-t-il? ils ont assez de bon sens pour voir que vous leur dites des choses impertinentes, et ils n’en ont pas assez pour s’élever vers une religion pure et dégagée de superstition, telle que la nôtre. Leurs passions leur font croire qu’il n’y a point de religion, parce que la seule qu’on leur enseigne est ridicule; vous devenez coupables de tous les vices dans lesquels ils se plongent.
Bambabef.
Point du tout, car nous ne leur enseignons qu’une bonne morale.
Ouang.
Vous vous feriez lapider par le peuple, si vous enseigniez une morale impure. Les hommes sont faits de façon qu’ils veulent bien commettre le mal, mais ils ne veulent pas qu’on le leur prêche. Il faudrait seulement ne point mêler une morale sage avec des fables absurdes, parce que vous affaiblissez par vos impostures, dont vous pourriez vous passer, cette morale que vous êtes forcés d’enseigner.
Bambabef.
Quoi! vous croyez qu’on peut enseigner la vérité au peuple sans la soutenir par des fables?
Ouang.
Je le crois fermement. Nos lettrés sont de la même pâte que nos tailleurs, nos tisserands, et nos laboureurs; ils adorent un Dieu créateur, rémunérateur et vengeur; ils ne souillent leur culte, ni par des systèmes absurdes, ni par des cérémonies extravagantes; et il y a bien moins de crimes parmi les lettrés que parmi le peuple. Pourquoi ne pas daigner instruire nos ouvriers comme nous instruisons nos lettrés?
Bambabef.
Vous feriez une grande sottise; c’est comme si vous vouliez qu’ils eussent la même politesse, qu’ils fussent jurisconsultes; cela n’est ni possible ni convenable. Il faut du pain blanc pour les maîtres, et du pain bis pour les domestiques.
Ouang.
J’avoue que tous les hommes ne doivent pas avoir la même science; mais il y a des choses nécessaires à tous. Il est nécessaire que chacun soit juste; et la plus sûre manière d’inspirer la justice à tous les hommes, c’est de leur inspirer la religion sans superstition.
Bambabef.
C’est un beau projet, mais il est impraticable. Pensez-vous qu’il suffise aux hommes de croire un Dieu qui punit et qui récompense? Vous m’avez dit qu’il arrive souvent que les plus déliés d’entre le peuple se révoltent contre mes fables; ils se révolteront de même contre votre vérité. Ils diront: « Qui m’assurera que Dieu punit et récompense? où en est la preuve? quelle mission avez-vous? quel miracle avez-vous fait pour que je vous croie? » Ils se moqueront de vous bien plus que de moi.
Ouang.
Voilà où est votre erreur. Vous vous imaginez qu’on secouera le joug d’une idée honnête, vraisemblable, utile à tout le monde, une idée dont la raison humaine est d’accord, parce qu’on rejette des choses malhonnêtes, absurdes, inutiles, dangereuses, qui font frémir le bon sens.
Le peuple est très disposé à croire ses magistrats quand ses magistrats ne lui proposent qu’une créance raisonnable, il l’embrasse volontiers. On n’a pas besoin de prodiges pour croire un Dieu juste, qui lit dans le coeur de l’homme; cette idée est trop naturelle, trop nécessaire, pour être combattue. Il n’est pas nécessaire de dire précisément comment Dieu punira et récompensera; il suffit qu’on croie à sa justice. Je vous assure que j’ai vu des villes entières qui n’avaient presque point d’autres dogmes, et que ce sont celles où j’ai vu le plus de vertu.
Bambabef.
Prenez garde; vous trouverez dans ces villes des philosophes qui vous nieront et les peines et les récompenses.
Ouang.
Vous m’avouerez que ces philosophes nieront bien plus fortement vos inventions ainsi vous ne gagnez rien par là. Quand il y aurait des philosophes qui ne conviendraient pas de mes principes, ils n en seraient pas moins gens de bien; ils n’en cultiveraient pas moins la vertu, qui doit être embrassée par amour, et non par crainte. Mais de plus, je vous soutiens qu’aucun philosophe ne serait jamais assuré que la Providence ne réserve pas des peines aux méchants et des récompenses aux bons. Car s’ils me demandent qui m’a dit que Dieu punit, je leur demanderai qui leur a dit que Dieu ne punit pas. Enfin je vous soutiens que les philosophes m’aideront, loin de me contredire. Voulez-vous être philosophe?
Bambabef.
Volontiers; mais ne le dites pas aux fakirs.

Folie – Verrücktheit (Originaltext)

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Il n’est pas question de renouveler le livre d’Érasme, qui ne serait aujourd’hui qu’un lieu commun assez insipide. Nous appelons folie cette maladie des organes du cerveau qui empêche un homme nécessairement de penser et d’agir comme les autres; ne pouvant gérer son bien, on l’interdit ; ne pouvant avoir des idées convenables à la société, on l’en exclut ; s’il est dangereux, on l’enferme ; s’il est furieux, on le lie.
Ce qu’il est important d’observer, c’est que cet homme n’est point privé d’idées ; il en a comme tous les autres hommes pendant la veille, et souvent quand il dort. On peut demander comment son âme spirituelle, immortelle, logée dans son cerveau, recevant toutes les idées par les sens très-nettes et très-distinctes, n’en porte cependant jamais un jugement sain. Elle voit les objets comme l’âme d’Aristote et de Platon, de Locke et de Newton, les voyait ; elle entend les mêmes sons, elle a le même sens du toucher : comment donc, recevant les perceptions que les plus sages éprouvent, en fait-elle un assemblage extravagant sans pouvoir s’en dispenser ?Si cette substance simple et éternelle a pour ses actions les mêmes instruments qu’ont les âmes des cerveaux les plus sages, elle doit raisonner comme eux. Qui peut l’en empêcher ? Je conçois bien à toute force que si mon fou voit du rouge, et les sages du bleu ; si, quand les sages entendent de la musique, mon fou entend le braiement d’un âne ; si, quand ils sont au sermon, mon fou croit être à la comédie ; si, quand ils entendent oui, il entend non : alors son âme doit penser au rebours des autres. Mais mon fou a les mêmes perceptions qu’eux : il n’y a nulle raison apparente pour laquelle son âme, ayant reçu par ses sens tous ses outils, ne peut en faire d’usage. Elle est pure, dit-on ; elle n’est sujette par elle-même à aucune infirmité ; la voilà pourvue de tous les secours nécessaires : quelque chose qui se passe dans son corps, rien ne peut changer son essence ; cependant on la mène dans son étui aux petites-maisons.
Cette réflexion peut faire soupçonner que la faculté de penser, donnée de Dieu à l’homme, est sujette au dérangement comme les autres sens. Un fou est un malade dont le cerveau pâtit, comme le goutteux est un malade qui souffre aux pieds et aux mains ; il pensait par le cerveau, comme il marchait avec les pieds, sans rien connaître ni de son pouvoir incompréhensible de marcher, ni de son pouvoir non moins incompréhensible de penser. On a la goutte au cerveau comme aux pieds. Enfin après mille raisonnements, il n’y a peut-être que la foi seule qui puisse nous convaincre qu’une substance simple et immatérielle puisse être malade.
Les doctes ou les docteurs diront au fou : « Mon ami, quoique tu aies perdu le sens commun, ton âme est aussi spirituelle, aussi pure, aussi immortelle que la nôtre ; mais notre âme est bien logée, et la tienne l’est mal ; les fenêtres de la maison sont bouchées pour elle : l’air lui manque, elle étouffe. » Le fou, dans ses bons moments, leur répondrait : « Mes amis, vous supposez à votre ordinaire ce qui est en question. Mes fenêtres sont aussi bien ouvertes que les vôtres, puisque je vois les mêmes objets, et que j’entends les mêmes paroles : il faut donc nécessairement que mon âme fasse un mauvais usage de ses sens, ou que mon âme ne soit elle-même qu’un sens vicié, une qualité dépravée. En un mot, ou mon âme est folle par elle-même, ou je n’ai point d’âme. »
Un des docteurs pourra répondre : « Mon confrère, Dieu a créé peut-être des âmes folles, comme il a créé des âmes sages. » Le fou répliquera : « Si je croyais ce que vous me dites, je serais encore plus fou que je ne le suis. De grâce, vous qui en savez tant, dites-moi pourquoi je suis fou. »
Si les docteurs ont encore un peu de sens, ils lui répondront : « Je n’en sais rien. » Ils ne comprendront pas pourquoi une cervelle a des idées incohérentes ; ils ne comprendront pas mieux pourquoi une autre cervelle a des idées régulières et suivies. Ils se croiront sages, et ils seront aussi fous que lui

Guerre – Krieg (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Guerre – Krieg aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


La famine, la peste et la guerre sont les trois ingrédients les plus fameux de ce bas monde. On peut ranger dans la classe de la famine toutes les mauvaises nourritures où la disette nous oblige d’avoir recours pour abréger notre vie dans l’espérance de la soutenir. On comprend dans la peste toutes les maladies contagieuses qui sont au nombre de deux ou trois mille. Ces deux présents nous viennent de la Providence. Mais la guerre, qui réunit tous ces dons, nous vient de l’imagination de trois ou quatre cents personnes répandues sur la surface de ce globe sous le nom de princes ou de ministres; et c’est peut-être pour cette raison que dans plusieurs dédicaces on les appelle les images vivantes de la Divinité.
Le plus déterminé des flatteurs conviendra sans peine que la guerre traîne toujours à sa suite la peste et la famine, pour peu qu’il ait vu les hôpitaux des armées d’Allemagne, et qu’il ait passé dans quelques villages où se sera fait quelque grand exploit de guerre.
C’est sans doute un très bel art que celui qui désole les campagnes, détruit les habitations, et fait périr, année commune, quarante mille hommes sur cent mille. Cette invention fut d’abord cultivée par des nations assemblées pour leur bien commun; par exemple, la diète des Grecs déclara à la diète de la Phrygie et des peuples voisins qu’elle allait partir sur un millier de barques de pêcheurs pour aller les exterminer si elle pouvait.
Le peuple romain assemblé jugeait qu’il était de son intérêt d’aller se battre avant moisson contre le peuple de Veïes, ou contre les Volsques. Et quelques années après, tous les Romains, étant en colère contre tous les Carthaginois, se battirent longtemps sur mer et sur terre. Il n’en est pas de même aujourd’hui.
Un généalogiste prouve à un prince qu’il descend en droite ligne d’un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d’apoplexie: le prince et son conseil voient son droit évident. Cette province, qui est à quelques centaines de lieues de lui, a beau protester qu’elle ne le connaît pas, qu’elle n’a nulle envie d’être gouvernée par lui; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avoir leur consentement; ces discours ne parviennent pas seulement aux oreilles du prince dont le droit est incontestable. Il trouve incontinent un grand nombre d’hommes qui n’ont rien à perdre; il les habille d’un gros drap bleu à cent dix sous l’aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche, et marche à la gloire.
Les autres princes qui entendent parler de cette équipée y prennent part, chacun selon son pouvoir, et couvrent une petite étendue de pays de plus de meurtriers mercenaires que Gengis-kan, Tamerlan, Bajazet, n’en traînèrent à leur suite.
Des peuples assez éloignés entendent dire qu’on va se battre, et qu’il y a cinq ou six sous par jour à gagner pour eux, s’ils veulent être de la partie; ils se divisent aussitôt en deux bandes comme des moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer.
Ces multitudes s’acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avoir aucun intérêt au procès, mais sans savoir même de quoi il s’agit.
Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres, s’unissant et s’attaquant tour à tour; toutes d’accord en un seul point, celui de faire tout le mal possible.
Le merveilleux de cette entreprise infernale, c’est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d’aller exterminer son prochain. Si un chef n’a eu que le bonheur de faire égorger deux ou trois mille hommes, il n’en remercie point Dieu; mais lorsqu’il y en a eu environ dix mille d’exterminés par le feu et par le fer, et que, pour comble de grâce, quelque ville a été détruite de fond en comble, alors on chante à quatre parties une chanson assez longue, composée dans une langue inconnue à tous ceux qui ont combattu, et de plus toute farcie de barbarismes. La même chanson sert pour les mariages et pour les naissances, ainsi que pour les meurtres; ce qui n’est pas pardonnable, surtout dans la nation la plus renommée pour les chansons nouvelles.
On paye partout un certain nombre de harangueurs pour célébrer ces journées meurtrières; les uns sont vêtus d’un long justaucorps noir, chargé d’un manteau écourté; les autres ont une chemise par-dessus une robe; quelques-uns portent deux pendants d’étoffe bigarrée par-dessus leur chemise. Tous parlent longtemps; ils citent ce qui s’est fait jadis en Palestine, à propos d’un combat en Vetéravie.
Le reste de l’année ces gens-là déclament contre les vices. Ils prouvent en trois points, et par antithèse, que les dames qui étendent légèrement un peu de carmin sur leurs joues fraîches seront l’objet éternel des vengeances éternelles de l’Éternel; que Polyeucte et Athalie sont les ouvrages du démon; qu’un homme qui fait servir sur sa table pour deux cents écus de marée un jour de carême, fait immanquablement son salut, et qu’un pauvre homme qui mange pour deux sous et demi de mouton va pour jamais à tous les diables.
De cinq à six mille déclamations de cette espèce, il y en a trois ou quatre, tout au plus, composées par un Gaulois nommé Massillon, qu’un honnête homme peut lire sans dégoût; mais dans tous ces discours, à peine en trouverez-vous deux où l’orateur ose dire quelques mots contre ce fléau ou ce crime de la guerre, qui contient tous les fléaux et tous les crimes. Les malheureux harangueurs parlent sans cesse contre l’amour, qui est la seule consolation du genre humain, et la seule manière de le réparer; ils ne disent rien des efforts abominables que nous faisons pour le détruire.
Vous avez fait un bien mauvais sermon sur l’impureté, ô Bourdaloue! mais aucun sur ces meurtres variés en tant de façons, sur ces brigandages, sur cette rage universelle qui désole le monde. Tous les vices réunis de tous les âges et de tous les lieux n’égaleront jamais les maux que produit une seule campagne.
Misérables médecins des âmes, vous criez pendant cinq quarts d’heure sur quelques piqûres d’épingle, et vous ne dites rien sur la maladie qui nous déchire en mille morceaux! Philosophes moralistes, brûlez tous vos livres. Tant que le caprice de quelques hommes fera loyalement égorger des milliers de nos frères, la partie du genre humain consacrée à l’héroïsme sera ce qu’il y a de plus affreux dans la nature entière.
Que deviennent et que m’importent l’humanité, la bienfaisance, la modestie, la tempérance, la douceur, la sagesse, la piété, tandis qu’une demi-livre de plomb tirée de six cents pas me fracasse le corps, et que je meurs à vingt ans dans des tourments inexprimables, au milieu de cinq ou six mille mourants, tandis que mes veux qui s’ouvrent pour la dernière fois voient la ville où je suis né détruite par le fer et par la flamme, et que les derniers sons qu’entendent mes oreilles sont les cris des femmes et des enfants expirants sous des ruines, le tout pour les prétendus intérêts d’un homme que nous ne connaissons pas?
Ce qu’il y a de pis, c’est que la guerre est un fléau inévitable. Si l’on y prend garde, tous les hommes ont adoré le dieu Mars; Sabaoth chez les Juifs signifie le Dieu des armes: mais Minerve chez Homère appelle Mars un dieu furieux, insensé, infernal

Matière – Materie (Originaltext)

Wir geben hier den Artikel Matière aus der ersten Ausgabe des Philosophischen Wörterbuchs von 1764 in französischer Sprache wieder.


Les sages à qui l’on demande ce que c’est que l’âme, répondent qu’ils n’en savent rien. Si on leur demande ce que c’est que la matière, ils font la même réponse. Il est vrai que des professeurs, et surtout des écoliers, savent parfaitement tout cela; et quand ils ont répété que la matière est étendue et divisible, ils croient avoir tout dit; mais quand ils sont priés de dire ce que c’est que cette chose étendue, ils se trouvent embarrassés. « Cela est composé de parties, » disent-ils; et ces parties de quoi sont-elles composées? Les éléments de ces parties sont-ils divisibles? Alors, ou ils sont muets, ou ils parlent beaucoup, ce qui est également suspect. Cet être presque inconnu, qu’on nomme matière, est-il éternel? Toute l’antiquité l’a cru. A-t-il par lui-même la force active? Plusieurs philosophes l’ont pensé. Ceux qui le nient sont-ils en droit de le nier? Vous ne concevez pas que la matière puisse avoir rien par elle-même. Mais comment pouvez-vous assurer qu’elle n’a pas par elle-même les propriétés qui lui sont nécessaires? Vous ignorez quelle est sa nature, et vous lui refusez des modes qui sont pourtant dans sa nature; car enfin, dès qu’elle est, il faut bien qu’elle soit d’une certaine façon, qu’elle soit figurée; et dès qu’elle est nécessairement figurée, est-il impossible qu’il n’y ait d’autres modes attachés à sa configuration? La matière existe, vous ne la connaissez que par vos sensations. Hélas! de quoi servent toutes les subtilités de l’esprit depuis qu’on raisonne? La géométrie nous a appris bien des vérités, la métaphysique bien peu. Nous pesons la matière, nous la mesurons, nous la décomposons; et au delà de ces opérations grossières, si nous voulons faire un pas, nous trouvons dans nous l’impuissance, et devant nous un abîme.
Pardonnez de grâce à l’univers entier qui s’est trompé en croyant la matière existante par elle-même. Pouvait-il faire autrement? Comment imaginer que ce qui est sans succession n’a pas toujours été? S’il n’était pas nécessaire que la matière existât, pourquoi existe-t-elle? et s’il fallait qu’elle fût, pourquoi n’aurait-elle pas été toujours? Nul axiome n’a jamais été plus universellement reçu que celui-ci: Rien ne se fait de rien. En effet le contraire est incompréhensible. Le chaos a chez tous les peuples précédé l’arrangement qu’une main divine a fait du monde entier. L’éternité de la matière n’a nui chez aucun peuple au culte de la Divinité. La religion ne fut jamais effarouchée qu’un Dieu éternel fût reconnu comme le maître d’une matière éternelle. Nous sommes assez heureux pour savoir aujourd’hui par la foi, que Dieu tira la matière du néant; mais aucune nation n’avait été instruite de ce dogme; les Juifs même l’ignorèrent. Le premier verset de la Genèse dit que les dieux, Éloïm, non pas Éloï, firent le ciel et la terre; il ne dit pas que le ciel et la terre furent créés de rien.
Philon, qui est venu dans le seul temps où les Juifs aient eu quelque érudition, dit dans son chapitre de la création: “Dieu, étant bon par sa nature, n’a point porté envie à la substance, à la matière, qui par elle-même n’avait rien de bon, qui n’a de sa nature qu’inertie, confusion, désordre. Il daigna la rendre bonne de mauvaise qu’elle était.”
L’idée du chaos débrouillé par un Dieu se trouve dans toutes les anciennes théologies. Hésiode répétait ce que pensait l’Orient, quand il disait dans sa théogonie: „Le chaos est ce qui a existé le premier.“ Ovide était l’interprète de tout l’empire romain, quand il disait:
Sic ubi dispositam, quisquis fuit ille Deorum.
Congeriem secuit.

La matière était donc regardée entre les mains de Dieu comme l’argile sous la roue du potier, s’il est permis de se servir de ces faibles images pour en exprimer la divine puissance.
La matière étant éternelle devait avoir des propriétés éternelles, comme la configuration, la force d’inertie, le mouvement, et la divisibilité. Mais cette divisibilité n’est que la suite du mouvement; car sans mouvement rien ne se divise, ne se sépare, ni ne s’arrange. On regardait donc le mouvement comme essentiel à la matière. Le chaos avait été un mouvement confus, et l’arrangement de l’univers un mouvement régulier imprimé à tous les corps par le maître du monde. Mais comment la matière aurait-elle le mouvement par elle-même? Comme elle a, selon tous les anciens, l’étendue et l’impénétrabilité.
Mais on ne la peut concevoir sans étendue, et on peut la concevoir sans mouvement. A cela on répondait: « Il est impossible que la matière ne soit pas perméable; or étant perméable, il faut bien que quelque chose passe continuellement dans ses pores; à quoi bon des passages si rien n’y passe? »
De réplique en réplique on ne finirait jamais; le système de la matière éternelle a de très grandes difficultés comme tous les systèmes. Celui de la matière formée de rien n’est pas moins incompréhensible. Il faut l’admettre, et ne pas se flatter d’en rendre raison; la philosophie ne rend point raison de tout. Que de choses incompréhensibles n’est-on pas obligé d’admettre, même en géométrie? Conçoit-on deux lignes qui s’approcheront toujours, et qui ne se rencontreront jamais?
Les géomètres à la vérité nous diront: « Les propriétés des asymptotes vous sont démontrées; vous ne pouvez vous empêcher de les admettre; mais la création ne l’est pas: pourquoi l’admettez-vous? Quelle difficulté trouvez-vous à croire comme toute l’antiquité la matière éternelle? » D’un autre côté, le théologien vous pressera et vous dira: « Si vous croyez la matière éternelle, vous reconnaissez donc deux principes: Dieu et la matière; vous tombez dans l’erreur de Zoroastre, de Manès. »
On ne répondra rien aux géomètres, parce que ces gens-là ne connaissent que leurs lignes, leurs surfaces, et leurs solides; mais on pourra dire au théologien: « En quoi suis-je manichéen? Voilà des pierres qu’un architecte n’a point faites; il en a élevé un bâtiment immense; je n’admets point deux architectes; les pierres brutes ont obéi au pouvoir et au génie. »
Heureusement, quelque système qu’on embrasse, aucun ne nuit à la morale; car qu’importe que la matière soit faite ou arrangée? Dieu est également notre maître absolu. Nous devons être également vertueux sur un chaos débrouillé, ou sur un chaos créé de rien; presque aucune de ces questions métaphysiques n’influe sur la conduite de la vie: il en est des disputes comme des vains discours qu’on tient à table; chacun oublie après dîner ce qu’il a dit, et va où son intérêt et son goût l’appellent.